Sous couvert d’invitation à la tolérance et au métissage culturel, les poupées Kinra Girls, censées représenter des petites filles issues des quatre coins du monde dont « l’amitié transcende les différences culturelles », ne promeuvent-elles pas au contraire des clichés racistes sur une diversité formatée aux préjugés ambiants de la bourgeoisie.
Dans les années 60, Mattel créait la première poupée Barbie noire. Les parents de la communauté afro-américaine trouvaient enfin un jouet dans lequel leurs enfants pouvaient s’identifier. Très vite, la poupée Barbie noire a été choisie par les parents progressistes (quelle que soient leurs origines) d’Amérique du Nord et d’Europe et aujourd’hui, on ne trouve plus un livre d’illustration pour enfant ou une marque de poupée qui ne représente la diversité.
Aujourd’hui, la célèbre société Corolle présente ses « Kinra Girls » , des poupées qui représentent non plus seulement un type ethnique mais des origines géographiques précises (une japonaise, une espagnole, une indienne, une américano-béninoise, et une australienne).
Kumiko, japonaise réservée
La marque affiche un message universaliste clair : « Kinra girls : une histoire d’amitié qui transcende les différences culturelles ». Le message promu par la marque pour vendre ses poupées semble être d’ailleurs bien compris et assimilé par les parents qui voient dans cet achat un acte citoyen, comme ici sur ce blog de maman « les kinra girls idée de cadeau pour apprendre aux enfants à vivre en respectant les différences des autres. »
Pourtant, le texte de présentation qui accompagne chaque poupée aurait de quoi choquer le politiquement correct ambiant puisque des traits de caractère très marqués sont donnés pour qualifier chacune d’elle. On apprend ainsi dans la brochure publicitaire de 27 pages qui accompagne le magazine Paris Môme de ce mois-ci, que Kumiko la japonaise est « réservée » et « proche de ses parents », qu’Idalina l’espagnole «timide et passionnée » a « le rythme dans la peau », que Naïma l’afro-américaine est « bien dans sa peau », « chaleureuse » et « toujours partante pour tout », que Rajani l’indienne est « très mature » et rêve de devenir danseuse même si « ses parents ne sont pas d’accord », enfin qu’Alexa l’australienne est « une vraie petite chef », « très sociable ».
Une précision énigmatique accompagne cette dernière poupée, qui représente, dans le spectre de la diversité, la culture occidentale « il faut juste qu’elle apprenne à ne pas toujours se fier aux apparences ! ». La marque Kinra Girls souhaiterait-elle faire un message particulier aux petites filles occidentales ? Peut-être qu’un jour Kumiko, Idalina et toute la bande saisiront la Halde pour discrimination…