Quelques jours après la première tournée africaine de François Hollande et les torrents de repentance charriés par l’appareil d’Etat pour faire oublier « l’odieux » discours de Dakar de Nicolas Sarkozy, il serait plus que temps de s’interroger sur le rapport qu’entretient notre société avec l’histoire… et si l’Homme africain avait raison de ne pas y être entré ?
Dans sa Seconde considération inactuelle, Nietzsche s’interroge sur l’utilité et l’inconvénient des études historiques. A la lecture de ce livre se dégagent deux manières antagonistes d’utiliser l’histoire.
La première l’envisage comme une école de liberté. Sous cet angle, l’histoire nourrit l’imagination et ouvre les possibles.
La seconde fait de l’histoire une prison, une ligne prétendument directrice qui déterminerait irrévocablement la suite, un chemin toujours plus étroit, toujours plus prévisible, sur quoi nous n’aurions d’autre choix que de courir toujours plus vite et plus avant.
C’est peu dire que nous vivons dans une époque où la seconde conception prévaut sur la première.
A tort ou à raison, la droite et la gauche s’entendent, malgré leur négligeables différences de style et d’images, pour répéter que l’enrôlement dans la technocratie européenne, la disparition des frontières, la complaisance plus ou moins affichée envers un monde globalisé et le mariage homosexuels sont autant d’évolutions fatales à quoi, bon an mal an, à plus ou moins long terme, nous devrons bien nous résigner.
L’avenir est présenté moins comme quelque chose qu’il faudrait définir, que comme un programme incontournable que nous serions tenus de réaliser. Vue sous cette angle, l’histoire serait, par avance, une, écrite, inévitable.
Quand, dans le discours de Dakar dont on a récemment reparlé à l’occasion du déplacement de François Hollande, Nicolas Sarkozy a soutenu que l’Homme africain n’était pas entré dans l’histoire, Ses propos ont été jugé scandaleux et raciste par la caste des indignés médiatiques toujours prompts à s’appuyer sur sa bêtise et son inculture pour se croire autorisée à distribuer blâmes et bons points.
Pourtant, ceux-là mêmes qui, avec cinquante ans de retard, continuent à s’enorgueillir de la répugnance que leur inspireront toujours les défunts empires coloniaux, ceux qui, repentants, persistent à reprocher à la France d’avoir colonisé l’Afrique au nom d’une vision univoque de la civilisation, sont les mêmes qui acceptent la colonisation de l’avenir par un modèle de développement unique qui n’aurait plus à être inventé.
Et si en n’entrant pas dans l’histoire, l’Homme africain avait conservé une marge de manœuvre, une liberté que nous aurions perdu, nous, Français esclaves d’un avenir inéluctable, Français irrévocablement embarqués par le cours d’une histoire à laquelle il ne serait effectivement plus possible de résister ?
Tout bien considérer, n’est-ce pas plutôt une chance, vraiment, que de n’être pas entré dans l’histoire ? N’est-ce pas avoir conservé la liberté de ne pas rejoindre les pays dont le développement même a fait des esclaves, des condamnés à un futur qu’ils ne sont plus aucunement maîtres de définir ?