Pendant une semaine, les médias vont relayer les campagnes publiques visant à promouvoir l’emploi des personnes handicapées. Bravo à eux ! Qui oserait le leur reprocher ? Personne. Mais on est en droit de se demander à quel jeu les journalistes participent en relayant cette initiative.
De pareilles campagnes ne servent évidemment pas aux handicapés. Ce n’est pas subitement, en écoutant France Inter qu’un chef d’entreprise va soudain se décider à embaucher des estropiés.
« Quel est le point commun entre les HLM et les handicapés ? Les gens normaux ont si peu envie de les subir qu’on est obligé de menacer d’amendes les villes et les entreprises qui refusent d’en prendre leur quotas. »
Si les patrons n’embauchent pas de handicapés, ce n’est pas à cause d’un regrettable manque de gentillesse, c’est parce que les handicapés sont moins rentables. S’ils sont difficiles à intégrer dans l’entreprise, ce n’est pas à cause des stigmatisations et préjugés dont ils sont victimes, mais à cause des difficultés techniques que pose l’adaptation des postes de travail à leur situation particulière.
D’ailleurs, qui sont-ils ces handicapés ? Pourquoi les mettre tous dans le même sac ? Qui peut croire qu’une entreprise doit faire face aux mêmes problèmes quand elle envisage d’embaucher un type en fauteuil roulant, un aveugle et un débile mental ?
En finançant des campagnes en faveur de l’emploi des handicapés, le gouvernement fait de la communication. Comme jadis les dames patronnesses s’achetant leur paradis en s’occupant de leurs pauvres, le gouvernement fait de la communication afin de prouver au peuple qu’il est assez généreux pour mériter son affection.
Il fait ainsi savoir qu’il s’occupe de ceux vers qui, même en temps de crise, converge la compassion.
Le handicapé est celui qui mérite d’être plaint. Il est celui dont les pouvoirs publics ont tout intérêt à faire savoir qu’ils en sont soucieux, et ce quelle que soit la réalité des mesures réellement prises pour leur venir en aide.
Nul n’a oublié la « saine colère » de Ségolène Royal réclamant, face à Nicolas Sarkozy pendant le débat présidentiel de 2007, que tous les handicapés soient scolarisés en milieu normal. Quiconque connaît la vie intime des enfants handicapés sait que l’application d’une telle proposition aurait sur leur développement des effets souvent désastreux. Peu importe ! La candidate se donnait à peu de frais des airs de générosité.
Si d’après une étude récente, 15% des Français souffrent de dépression, n’est-il pas du devoir du gouvernement de ne lésiner sur aucune des occasions de se réjouir ? Or, c’est l’autre avantage des handicapés : ils donnent à l’immense majorité des valides la joie de se souvenir qu’ils n’en sont pas. C’est un genre de salutaire coup de fouet que de penser qu’on a échappé aux pires malheurs.
Improductive, purement déclamatoire, cette campagne est une manipulation d’autant plus cynique qu’elle utilise des personnes vulnérables.
On savait que pour guider les peuples, il fallait du pain et des jeux, il faut aussi un objet de compassion. Que trouver de mieux que les handicapés qui, dans un pays divisé, ont l’avantage de faire chialer dans toutes les chaumières ?