Comment expliquer la fascination générale que suscite le Vendée Globe, cette épopée sublime et absurde autour du monde ? Une forme d’héroïsme anachronique qui semble désarmer jusqu’à Libération. Loin de l’élitisme culturel qui le caractérise, l’organe officiel de la ricanerie de notre époque se laisse séduire (pour de mauvaises raisons) par l’épopée marine.
Le quotidien du peuple de gauche (celui des CSP++ des grandes villes et des fonctionnaires), jamais avare en matière de dézingage des goûts populaires (franchouillards, nauséabonds, rancis,…), s’est pris d’amour pour le Vendée Globe dans un éditorial déroutant de Luc Le Vaillant.
Loin de se boucher le nez devant ces milliers de badauds agglutinés comme des « beaufs » devant la caravane du Tour de France ou un PSG-OM, le journaliste de Libé se laisse prendre au jeu… Mais Libération reste Libération. Et à l’admiration se mêle cette décapante critique du système que seuls d’anciens soixante-huitards, gavés depuis trente ans d’allocations publiques, peuvent mener.
A en croire M. Le Vaillant, les vingt skippers au départ du Vendée Globe (dont il regrette tout de même qu’ils soient devenus des « informaticiens hypercommunicants » histoire de démontrer que son amour de la course ne va pas sans une salutaire prise de distance) sont autant de symboles des fantasmes mondialisto-socialisto-libertaires dont Libé nous bombarde depuis des décennies.
« De cap en cap, de Bonne Espérance au Horn, cette nation qu’on prétend sclérosée et dépressive, s’invente une conquête spatiale et transcendantale, menée par des individus autonomes et multifonctions, à la fois Martin Eden et MacGyver.
Mais, très attaché à son modèle social, (le pays) aime aussi voir ces solitaires se découvrir solidaires quand ils sont les seuls à pouvoir se porter secours, dans ces contrées inhospitalières où l’on ne peut compter que sur l’adversaire pour échapper au naufrage. »
Et Luc Le Vaillant de conclure en dévoilant les vraies raisons de son amour pour la voile. Les marins seraient « forts peu rémunérés »… Bien loin des footballeurs qui amusent la populace et amassent des millions… Renversement des valeurs oblige : chez Libé, on juge les choses au peu d’argent qu’elles génèrent.