« Il faut maintenir le statut des intermittents mais il va falloir être courageux ». Cette phrase de la ministre de la culture Aurélie Filippetti a suffi a relancé la polémique. Comme il y a dix ans, les clowns subventionnés, les fumistes de l’événementiel et autres théâtreux chevelus menacent de faire du grabuge si, comme l’impose le bon sens, on touche à leurs privilèges.
Le statut des intermittents représente un tiers du déficit de la caisse d’assurance chômage et bénéficie à 3% seulement du nombre total de chômeurs.
Ces chiffres pourraient suffire à condamner un système inique mais les prétendus artistes qui en profitent sont généralement si convaincus de leur utilité sociale qu’ils ne doutent pas de la légitimité d’un système aussi juteux.
De là leur particulière virulence à l’égard de ceux qui ont l’impudence de pointer leurs abus.
On les comprend : il est doux d’être chômeur intermittent ; pour être indemnisé, il suffit d’avoir justifié de 507 heures de travail dans l’année. 507 heures, c’est à peine plus de seize semaines de 35 heures.
Pour le dire autrement, en étant intermittent, on est subventionné par la collectivité pour chômer 35 semaines par an.
« Mais ma mission est noble, s’insurge le clown. Je sers la culture, je fais rire les enfants et crée du lien social ! Sans spectacle vivant, le spectacle est mort. Et la mort c’est très triste. En plus, mépriser les artistes, c’est être un peu fasciste. »
C’est aussi, explique-t-il pour justifier qu’on le paie à glander les deux tiers de son temps, que la vie d’artiste n’est pas circonscrite à la piste du cirque ! De même qu’au sortir de sa classe, l’enseignant, à la maison, corrige ses copies, le clown, entre deux spectacles, doit se reposer, concevoir ses prochains numéros, remplir les dossiers grâce auxquels seront financées ses prochaines performances, et qui sait ? Que de peines ! Fabriquer lui-même son prochain nez rouge ! C’est du travail tout ça!
Et ce n’est pas les innombrables boîtes de production et autres entreprises culturelles de décérébration massive qui le contrediront : elles sont aussi bénéficiaires d’un statut qui permet d’embaucher dans des conditions de flexibilité particulièrement avantageuses sans s’encombrer durablement d’un salarié.
Aurélie Filippetti a raison : il faudra du courage. Car si les artistes subventionnés ne sont ni talentueux, ni subversifs, ni utiles à la société, ils savent faire beaucoup de bruit autour du grand mot de culture et ne méconnaissent rien de la meilleure manière de mettre en scène leurs revendications corporatistes. Vivent les clowns !