L’Ecole, les filles, les garçons et la construction des stéréotypes, tel était le titre de la dernière émission de Louise Tourret sur France Culture. Résumons : le sexisme est une maladie honteuse et chronique dont l’Education nationale n’arrive pas à guérir.
Pour déblatérer autour de ce « constat accablant », fidèle à une longue tradition de la radio qui veut qu’on fasse « débattre » de grands pontes tous d’accord entre eux, l’animatrice de Rue des Ecoles avait invité deux spécialistes : Georges Sidéris, historien et formateur des futurs professeurs, et Françoise Vouillot, psychologue qui participe au tout nouvel « atelier de réflexion » lancé par le Laboratoire de l’Egalité sur l’éducation.
On a beau faire, il y a toujours plus de garçons que de filles en BEP mécanique, et réciproquement, plus de filles que de garçons dans les filières où sont formées les puéricultrices.
De même, on continue à attendre des filles qu’elles soient plus calmes et plus studieuses là où, disent les études, les garçons jouent aux cancres glandeurs et impertinents pour se conformer à l’image de l’homme qu’ils se sentent devenir.
Face à cette accablante réalité, les invités de l’émission ne savent qu’exprimer leur consternation.
Car, s’il en est ainsi, ce n’est pas que les garçons et les filles sont différents, ce n’est pas que les uns et les autres répondent à leurs instincts ou à leur nature, non, c’est qu’ils reproduisent les schémas hérités d’une tradition inique, méprisable et mortifère.
En contrepoint, on aurait aimé entendre Nancy Huston, ancienne féministe qui dans son dernier livre Reflet dans l’œil d’homme assure que la différence des sexes n’est pas qu’une construction sociale. Ou bien le neurologue Jean-Didier Vincent qui, fort d’une multitude d’expériences rigoureuses menées depuis une quarantaine d’années, soutient que les cerveaux des hommes et des femmes ne fonctionnent pas exactement de la même manière.
Mais non ! Il n’est plus temps d’ergoter,ou de laisser la place à la pluralité des points de vue.
Le ventre est encore fécond, d’où toujours nuit la « bite immonde ». Jusqu’à quand faudra-t-il attendre le valeureux Héraclès qui, une bonne fois, débarrassera l’Education nationale de cette hydre nauséabonde d’où sans cesse repoussent les clichés misogynes, les stéréotypes phallocrates et les préjugés qui perpétuent la scandaleuse domination de la gente masculine?
L’heure est à la mobilisation
Puisque l’école (envoyez les flonflons assourdissants de la fanfare républicaine) est le lieu où la société prépare son avenir, force est d’agir, force est d’en finir avec les conséquences ô combien regrettable d’un sexisme qui, pernicieusement et malgré tous les efforts des partisans de la stricte indifférenciation des sexes, règne encore dans les classes et dans les esprits des enfants.
Sinon, à tout jamais, les choses resteront ce qu’elles sont : il y aura par exemple toujours plus d’hommes que de femmes à dormir en prison ou à comparaître devant les tribunaux pour des affaires de pédophilie.
Alors au nom de l’irrépressible frénésie égalitaire, osons le crier bien haut : « Mort au masculin, mort au féminin, vive le neutre et vive l’eunucation nationale ! »
Le révisionnisme historique au service de la révolution culturelle
En route vers un si noble but, les invités de l’émission fourbissent leurs armes de dégenrisation massive : « Il faut signer des chartes, il faut rendre les élèves acteurs », préconise d’abord Georges Sidéris.
Et puis, sentant peut-être que les proclamations grandiloquentes, pétitions de principe et autre blablas déclaratoires ne suffiront pas à transformer l’école en usine à androgynes, l’historien va plus loin : il faut changer l’enseignement de l’histoire afin d’y valoriser les femmes.
On se pince, on se marre, on pense aux états totalitaires où l’idéologie dictait les manuels scolaires, et puis, pour pallier l’absence de contradicteur dans le studio de France culture, on invente un interlocuteur et on imagine le dialogue suivant :
« Les filles sont rabaissées en cours d’histoire. A part de furtives évocations d’Olympe de Gouges et de Jeanne d’Arc, la place des femmes est extrêmement réduite.
-Si dérangeante qu’elle soit, c’est une réalité : La France, quoi que vous en pensiez, fut toujours dirigée par des hommes. Vous ne pouvez pas inventer une Henriette IV ou une Françoise Ière pour les besoins de la cause.
-Non. Mais il faut marteler aux filles que si le pouvoir a certes été exercé par des hommes, c’était en vertu d’un déplorable archaïsme dont il faut se flatter de s’éloigner bien vite. Le pouvoir des hommes était une réalité, mais ce n’était pas normal.
-Ça l’était.
-Monstre ! Goujat ! Misogyne ! Arriéré phallocrate !
-Modérez vos transports : la loi salique qui a exclu les femmes du trône s’est imposé pour des raisons hasardeuses et politiques, mais une fois adoptée, l’exclusion des femmes est devenue une règle, la norme.
-Vous jouez sur les mots. Cette règle était le produit d’une volonté de domination masculine, c’est-à-dire d’un mécanisme rétrograde qui mérite d’être banni et contesté partout et de tout temps.
-Même au prix d’un travestissement de l’histoire ?
-N’exagérez pas : Il s’agit seulement d’œuvrer dans le bon sens.
-Qu’est-ce à dire ?
-Je ne sais pas. Au minimum, on pourrait accorder dans les manuels le même nombre de pages à Colbert et à Édith Cresson, ou bien aux soixante-dix ans de règne de Louis XIV et aux six mois de campagne présidentielle de Ségolène Royal. »
-Belle idée ! Espérons que Vincent Peillon la retiendra ! »
Les heures les plus sombres de notre histoire misogyne seront bientôt derrière nous : le ministre de l’Education nationale vient heureusement de lancer un groupe de travail pour « éduquer à la sexualité et lutter contre les préjugés sexistes ». Bravo ! Merci ! Youpi ! Il était temps vraiment !