Les Inrockuptibles est le magazine des élites intellectuelles et pseudo-subversives. Pourtant, quand on regarde de plus près son site internet, on constate que l’article le plus lu (de très loin) par la communauté des Inrocks est un dossier sur les échangistes du Cap d’Agde. Quand le snobisme dissimule (mal) sous l’alibi artistique les pulsions primaires et le racolage pornographique.
Depuis plusieurs décennies, les amateurs de pornographie des classes sociales supérieures ont du recourir à divers stratagèmes des plus délicats, afin de pouvoir contempler des fesses et lire des histoires de pénétrations sans être aussi vulgaires et glauques que la « populace » avec ses chansons paillardes et ses vidéos pornographiques.
Du porno chic aux questionnements sociologiques sur la pornographie, en passant par la recherche de « liberté », les intellectuels de tous bords cachent leur libido derrière un « engagement » ou derrière la « Culture ». Un charmant vernis intellectuel qui ne trompe que ceux qui veulent bien être trompés.
Archétype du snobisme parisien et de l’hédonisme intello-sociologisant, les Inrocks donnent le ton du bon goût culturel. Comble de l’hypocrisie, l’article le plus lu du site n’a rien à voir avec la dernière rétro de Hopper (dont les cultureux nous ont fait souper pendant des semaines), mais s’intitule « Baie des cochons: bienvenue sur la plage libertine du Cap-d’Agde« . Quand l’alibi intello disparaît reste le snobisme du « décalage » pour parler cul et vendre du clic.
L’article commence par décrire, amusé, les pratiques des plages d’Agde :
« Bientôt, ils glissent en levrette. Autour d’eux, les spectateurs semblent toujours plus nombreux, toujours plus excités. Après quelques instants, elle souffle un mot à son partenaire, en allemand. Il se retire d’elle et introduit un premier doigt dans son vagin, puis un deuxième. Avec attention, il accélère le mouvement et, rapidement prise de convulsions, elle jouit. Elle jouit magistralement. Madame est une femme fontaine et l’assistance est aux anges. Quelques applaudissements se font même entendre. Le spectacle ne fait pourtant que commencer.
Au Cap-d’Agde, sur un morceau de la plage du camp de naturistes, long d’une centaine de mètres et rebaptisé “baie des cochons”, rien ne semble interdit. Les couples s’aiment en public et assouvissent leur désir d’exhibitionnisme devant une cohorte de voyeurs à l’affût. En semi-érection permanente, ceux-ci passent d’un couple à l’autre exactement comme un enfant enchaînerait les attractions à Eurodisney.«
Comme s’il fallait prouver au lecteur (peut-être dégoûté par cette boucherie), qu’il n’y a rien de sale et tout de progressiste dans ces pratiques, l’auteur se sent obligé de rédiger un petit paragraphe féministe, censé démontrer comment la condition de la femme sort grandie de ces partouzes géantes :
« Au Cap-d’Agde, les exhibitionnistes se montrent dans l’assurance que les voyeurs sauront se tenir, malgré l’excitation. Ici, lorsqu’un homme jouit et répand sa semence sur la plage, il prend même le temps de la recouvrir de sable.
Un peu plus loin, c’est maintenant une femme très bronzée, la cinquantaine peroxydée et siliconée, qui s’offre à son homme. Il est à genoux devant elle et lui lèche le clitoris. Un nouveau cercle de voyeurs se forme autour d’eux. Les plus jeunes ont 25 ans, les plus vieux presque 80, à vue d’oeil. Ils sont là, agglutinés, collés les uns aux autres, le sexe à la main. Ils se masturbent dans un silence de cathédrale, comme concentrés sur les petits cris de plaisir poussés par la femme. C’est elle l’héroïne de ce spectacle improvisé, aux allures de tournage porno en plein air et en public. C’est elle qui donne le tempo, dit “oui” ou “non”.
Quand une femme désigne un homme, il doit venir la contenter
Au Cap-d’Agde, la femme est toujours au coeur des attentions, et ses désirs sont comme des ordres. Quand elle désigne un homme dans la foule des voyeurs, celui-ci doit se rapprocher et venir la contenter, ce qu’il fait généralement avec empressement. Là, le veinard est un jeune homme d’origine maghrébine au corps ferme. Délicatement, il s’installe à côté de madame et pose ses doigts sur son corps, puis lèche ses seins. Bientôt, il pourra venir en elle.«
Pour parachever l’article, Les Inrocks justifient la quête d’hédonisme sordide post soixante-huitarde, après le féminisme, par une volonté de mixité sociale et internationale :
« Sur la plage, on s’active aussi. Goguenard, un homme revient de derrière les dunes et raconte à ses copains qu’”une fille vient de se faire éjaculer sur le visage par une dizaine de types” (une pratique connue sous le nom de bukkake). Plus loin, une femme rousse allongée sur le sol fait l’attraction. Elle est entourée d’au moins cinquante hommes et elle désigne les élus, appelés à venir profiter d’elle. Ils piaffent tous, cherchent à capter son regard dans l’espoir d’un signe. Mais elle semble impénétrable, les yeux dans le vague, doucement gagnée par le plaisir.
Elle dit ” viens” à un homme. Elle est française, comme une majorité des gens présents sur la plage, semble-t-il. Il y a aussi beaucoup d’Allemands, de Hollandais, de Belges et quelques Anglais. Mais, dans le plus simple appareil, les étiquettes tombent vite, et les marqueurs sociaux s’estompent naturellement. C’est aussi le charme du Cap-d’Adge. Si quelques coupes de cheveux ou quelques tatouages maladroits semblent trahir, parfois, une appartenance à un milieu populaire, on ne peut savoir véritablement qui est riche, qui est pauvre, qui est cadre ou ouvrier.«
Pour conclure, si une personne souhaite lire un article pornographique sans se sentir mélé à la vulgarité des classes moyennes et prolétaires, il n’a qu’à lire les Inrocks, où il trouvera du hard intello : de l’éjaculation ornée d’égalitarisme social, sexuel et mondialisé…