Au lendemain de la proclamation officielle des résultats du 1er tour de la Présidentielle malienne, Soumaïla Cissé savait qu’il ne pourrait pas renverser le rapport de force favorable à Ibrahim Boubacar Keïta, le président sortant. Non seulement il ne pouvait pas incarner une véritable alternance mais en plus, la majeure partie de ceux attendus comme des soutiens n’ont pas compris son « lâchage » de dernière minute. En allant au second tour en abandonnant ses compagnons d’infortune du premier tour l’a conduit à l’abattoir. Au final, on retiendra de sa candidature que son obstination à rester dans le jeu politique n’a eu qu’une conséquence : bloquer l’émergence de nouvelles figures de l’opposition et garantir un second mandat à IBK.
Aujourd’hui, Soumaïla Cissé, bientôt 70 ans, ne veut pas quitter l’avant-scène politique qu’il occupe pourtant depuis plus de trente ans. Ancien ministre des Finances, ancien président de l’Assemblée Nationale, c’est un des derniers dinosaures à gérer le pays sans discontinuer depuis le début des années 1990.
Un apparatchik qui symbolise bien plus les excès d’une élite qui n’aura jamais su partager le pouvoir (ni même l’utiliser pour faire avancer le Mali) qu’un souffle d’espoir pour le pays et une perspective de renouvellement et d’alternance. Cette réalité, incontestable et évidente à quiconque se promène dans les rues de Bamako, Soumaïla Cissé n’aura jamais voulu la voir. Il s’obstine jusqu’au bout à vouloir obtenir le pouvoir pour ce qui paraît aux yeux des maliens comme un combat personnel, une rancune tenace à l’endroit de son bourreau, le président sortant Ibrahim Boubacar Keita.
C’est que « l’opposant officiel » à IBK a toujours placé ses intérêts personnels au-delà de son pays et de ses concitoyens. Une fâcheuse habitude dans la classe politique malienne. Et pourtant, dès l’annonce par les troisième et quatrième de leur neutralité, les observateurs ont tous compris que Soumaïla Cissé ne pouvait plus gagner la présidentielle. Il partait de trop loin. Sa base électorale était trop limitée. Son image trop ternie par une vie de compromissions avec le pouvoir en place.
Ce constat était simple à dresser. Un peu de bon sens eut suffi à Soumaïla Cissé pour comprendre que son tour était passé et que l’intérêt supérieur du peuple malien requérait des hommes nouveaux et des idées fraiches pour sortir le pays de l’ornière dans laquelle Soumaïla Cissé, IBK, et tous ceux qui ont confisqué le pouvoir depuis 1991, l’ont mis.
Mais en maintenant sa candidature contre vents et marée, Soumaïla Cissé a empêché l’opposition de se rassembler pour faire front commun dès le premier tour. Se rassemblement aurait certainement permis à l’opposition d’être plus fédérée derrière un candidat qui soit à même d’insuffler une nouvelle dynamique au pays. Par sa faute, la présidentielle de juillet et août s’est limitée à un fade remake de celle de 2013… avec évidemment le même résultat à la fin.
Quid de l’avenir ? IBK a repris les rênes du pays pour cinq ans. Soumaïla Cissé va-t-il souhaiter exister encore et toujours dans l’échiquier politique ? Va-t-il encore une fois reporter l’âge de la retraite ? Ce serait une énième décision égoïste et dévastatrice pour toutes les Maliennes et tous les Maliens qui aspirent à une alternance véritable.
Cette option est pourtant la plus vraisemblable. Pas parce que Soumaïla Cissé, qui aura 74 ans en 2023, espère remporter le scrutin, mais parce que comme un vieil acteur, il refuse encore et toujours de quitter la scène. Quand l’égocentrisme sert lieu de boussole politique.