Annoncée le mardi 26 février 2019, la commercialisation du Hijab running en France a été finalement reportée suite à un bad buzz sur les réseaux sociaux. On accuse ce vêtement sportif de prolonger l’apartheid sexuel et de rompre avec les valeurs de la République française. Valeurs de la République française vous avez dit ? La liberté et la laïcité n’en font-elles pas partie?
L’armée de trolls aux portes de Décathlon
Le tollé provoqué par la commercialisation prochaine du Hijab en France est tout simplement ahurissant. L’on a vu une vague de commentaires négatifs sur le compte Twitter de Décathlon, aussi bien de la part d’anonymes que de personnalités politiques censées incarner les valeurs de la République française, dont la laïcité et la liberté (vestimentaire, idéologique). « Ceux qui tolèrent les femmes dans l’espace public uniquement quand elles se cachent ne sont pas des amoureux de la liberté. » lance Aurore Bergé, presque dans le costume de Jeanne-d’Arc. De son côté Valérie Boyer trompette : « Décathlon converti à la mode islamique ? Écœurée, révoltée de voir que cette entreprise française fait le choix de prolonger l’apartheid sexuel imposé aux femmes dans l’espace public ». A leur suite, un long train d’autres commentaires négatifs de pseudos défenseurs du féminisme, un féminisme visiblement forcené, voire dictatorial. Et quand bien même le community manager de Décathlon essaie de leur faire comprendre que ce vêtement n’obéit qu’à une demande formulée par de nombreuses clientes, rien n’y fit. On a continué d’aboyer! On ignore même ce qu’on appelle le respect de la clientèle pour une entreprise.
Où sont alors passées les valeurs de la République française telles que la laïcité et la liberté? Qu’une femme décide librement de se vêtir conformément aux préceptes de sa religion, et que ce choix ne fait de mal à personne, où est le scandale ? Que Décathlon propose un large choix de vêtements pour tous les goûts, toutes les idéologies, sans jugement, où est le crime ? Où alors veut-on tout simplement imposer un choix de vie et de comportement à tous les citoyens français ?
Sommes-nous face à la dictature d’un mode de vie standard ?
Chez les Américains et les Anglais, cette polémique étonne et même choque. Dans son édition du mercredi, le Washington Post s’est attaqué à ce bad buzz : « Un hijab pour les musulmanes qui courent ? En France, c’est un scandale. » fait d’abord observer son correspondant à Paris James McAuley.
Le quotidien américain ne comprend pas que des politiques français se soient mis dans la danse, eux qui sont justement censés défendre la laïcité : « Ce qui a commencé comme une tempête habituelle sur Twitter est apparemment devenu une affaire d’Etat, de hauts responsables prenant une pause au milieu d’un certain nombre de crises politiques actuelles pour s’attaquer au vêtement prétendument offensant », note le journaliste. Puis de lâcher, visiblement agacé du deux poids deux mesures : « Les vêtements que les femmes musulmanes choisissent de porter sont un sujet à polémiques en France, une société officiellement laïque qui interdit tout signe et symbole religieux dans la vie publique – à l’exception, bien sûr, des crèches et des sapins de Noël qui décorent les mairies en hiver. Les organismes gouvernementaux ferment aussi quasiment chaque jour férié catholique. »
Il faut rappeler qu’une polémique similaire a concerné le Burkini en 2016. A l’évidence ces deux affaires cachent un mal plus profond, une peur inconsciente de quelque chose qu’on ne veut pas nommer. Ce ne sont pas les vêtements qui posent problème, mais l’islam rigoriste qui se « planque » derrière ces habits. Sinon, une femme totalement voilée, choque-t-elle plus qu’une autre entièrement dévêtue ? Si la seconde peut tranquillement se promener dans les rues, toute intimité dehors, la première a aussi le droit de cacher ce qu’elle juge sacré au nom de sa religion, surtout si elle n’a pas été forcée.