Charles-Geneviève d’Éon : L’agent secret de Louis XV qui se faisait passer pour une femme

Un portrait du Chevalier Charles-Geneviève d'Éon

 

Plus d’un siècle après sa mort, le Chevalier Charles-Geneviève d’Éon, capitaine des dragons du roi, continue d’intriguer les historiens. Cet agent atypique du « Secret du Roi », ce cabinet noir, créé par Louis XV, a vécu toute sa vie dans la peau d’une femme. Ce rôle lui a permis d’entrer dans presque toutes les Cours d’Europe. Mieux, de côtoyer les femmes plus influentes du XVIIIe siècle, dont la tsarine Elisabeth Ire.

L’un des premiers agents secrets français

Charles-Geneviève d’Éon est né le 5 octobre 1728 dans une petite ville bourguignonne dont son père est maire. Après d’excellentes études, il devient avocat en août 1748. En 1753, il publie Considérations historiques et politiques, un ouvrage très remarqué. Brillant en société, il réussit à tisser un solide réseau de relations, notamment grâce à ses talents d’escrimeur. Bientôt, Charles-Geneviève d’Éon est recruté dans le « Secret du Roi ». Ce cabinet noir, créé par Louis XV en 1722, est considéré comme l’ancêtre de la DGSE, le plus connu des services secrets français.

Les agents du « Secret du Roi » ont toute latitude pour arriver à leurs fins par les moyens de leur choix même s’ils sont illégaux. Pour sa part, le Chevalier d’Eon a choisi de passer pour une femme, un rôle qu’il a d’ailleurs pris très au sérieux au point de revendiquer ce sexe. A l’occasion d’un bal costumé à la Cour de France, il montre ses talents de déguisements. Le monarque est séduit, il est convaincu. Mieux, il a une mission pour lui : parvenir à obtenir le soutien de la tsarine Elisabeth Ire alors que la guerre de 7 ans, contre la Grande de Bretagne et ses alliés prusses, est à l’ordre du jour.

Charles-Geneviève d’Éon mystifie tout le monde

Sous le faux nom de Lia de Beaumont, il réussit à l’approcher, il devient sa lectrice et parvient à plaider la cause française à la Cour de Russie plus efficacement que les ambassadeurs officiels. Il continuera de jouer son rôle à la perfection lors de bals costumés à Saint-Pétersbourg. Personne ne se doute que c’est un homme.

Charles-Geneviève participe ensuite aux dernières campagnes de la guerre de Sept Ans, il y fait preuve de bravoure, il est blessé. Il quitte l’armée en 1762 pour redevenir agent secret. Après la guerre, perdue par la France, il tombe dans l’oubli, une situation inacceptable à ses yeux. Pour attirer à nouveau l’attention, il reprend son rôle de femme au point de scandaliser la Cour. Il prétend même être réellement une femme. Tout le monde pense désormais qu’il est fou. Cela n’empêche pas les rumeurs de s’enfler. Est-il réellement une femme ? Ou alors un hermaphrodite ? s’interroge le royaume de France.

Entre temps, le Chevalier reçoit le nom Épicène d’Éon. Louis XV exige que Charles-Geneviève mette un terme aux rumeurs qui discréditent la Cour, en indiquant une fois pour toutes son sexe véritable. Le chevalier répond par une déclaration dans laquelle il affirme solennellement être une femme. Cette attestation est validée par plusieurs médecins. Il semble que, le chevalier refusant de se dévêtir, ces médecins aient dû se contenter d’effectuer des palpations pour arrêter leur opinion.

« J’ai examiné le corps, qui était du sexe masculin »

Pendant encore longtemps, le Chevalier Eon continuera à se prendre pour une femme. Il faudra attendre son décès pour en avoir le cœur net. Le 21 mai 1810, à l’âge de 81 ans, il meurt à Londres dans la misère totale, partiellement paralysé par une attaque vasculaire qui a eu lieu quatre ans plus tôt.

En effectuant sa toilette mortuaire, l’on découvre avec stupéfaction que cette vieille dame… est en fait un homme. Le chirurgien M. Copeland, accompagné de dix-sept témoins, membres de la Faculté médicale de la Grande-Bretagne déclare dans un rapport médico-légal, le 23 mai 1810 : « Par la présente, je certifie que j’ai examiné et disséqué le corps du chevalier d’Éon en présence de M. Adair, de M. Wilson, du père Élysée et que j’ai trouvé sur ce corps les organes mâles de la génération parfaitement formés sous tous les rapports ». Il ajoute : « En conséquence de la note des personnes nommées ci-dessus, j’ai examiné le corps, qui était du sexe masculin. Le dessin original a été fait par M. C. Turner, en ma présence ». Mais une autre expertise rejettera les conclusions du chirurgien M. Copeland.

Une figure reconnue par la communauté LGBT

Aujourd’hui, l’éonisme désigne l’inversion esthético-sexuelle correspondant au besoin qu’éprouvent certains hommes d’adopter des comportements vestimentaires ou sociaux socialement considérés comme féminins. À ce titre, le chevalier d’Éon est considéré par la communauté LGBT comme le « saint patron des travestis ».

 

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