La République islamique en proie à un soulèvement général depuis trois mois aurait supprimé sa police des mœurs, corps catalyseur du mécontentement populaire, selon de nombreux médias. Mais l’information attribuée au procureur général du pays suscite encore des doutes plusieurs jours après.
L’annonce inattendue de la suppression de la police des mœurs en Iran s’est répandue comme une traînée de poudre depuis samedi 3 décembre dernier. Plusieurs médias internationaux, de l’AFP à France 24, en ont fait cas, citant notamment des propos prétendument tenus par le procureur général du pays Mohammad Jafar Montazeri.
L’homme de 73 ans aurait effet déclaré selon l’agence presse Isna, que « la police des mœurs […] a été abolie par ceux qui l’ont créée ». De quoi susciter un certain emballement de la part de la presse occidentale.
À l’origine des manifestations
Il faut dire que ce corps plus connu sous l’appellation « Gasht-e Ershad » en Iran cristallise les tensions dans le pays pour son implication dans le sort de Mahsa Amini. Cette Kurde iranienne a succombé à ses blessures le 16 septembre dernier dans les locaux de cette police. Celle-ci l’avait auparavant arrêtée pour « port de vêtements inappropriés ».
Cette tragédie largement déplorée par l’opinion internationale, sert depuis de moteur à la révolte quotidienne des Iraniennes. Lasses de vivre sous le joug d’un régime privatif de leurs droits et libertés, de nombreuses femmes multiplient les manifestations de défiance envers le pouvoir.
Au prix d’une répression féroce. Puisque diverses informations font état de plusieurs centaines de morts déjà parmi les manifestants. Sans compter les arrestations. Mais l’abolition de la police des mœurs, vantée comme un geste d’apaisement de la part du pouvoir, n’est à l’heure actuelle qu’un leurre. Et nombre d’indices tendent à corroborer cette thèse.
Silence assourdissant
À commencer par le silence assourdissant des autorités depuis la sortie attribuée au procureur Mohammad Jafar Montazeri sur la question. Surtout de la part de la presse conservatrice prompte à servir de relais au régime iranien, ainsi que l’a remarqué un article de l’AFP ce lundi. Aucune confirmation officielle n’est disponible à ce propos.
La police des mœurs reste par ailleurs sous la coupe du ministère de l’Intérieur, comme l’a précisé le procureur. Sa suppression ne saurait donc dépendre du pouvoir judiciaire, surtout dans une République de l’Iran marquée par un conservatisme rigoriste.
Les protestataires dont les revendications vont bien au-delà de la disparition de la police des mœurs demeurent en tout cas mobilisées pour la préservation de leur dignité.