Depuis le lundi 13 mai, la Nouvelle-Calédonie fait face à de violentes émeutes contre l’adoption d’une réforme constitutionnelle élargissant le droit de vote aux nouveaux venus de France. Les Kanaks, peuple autochtone de l’archipel, exigent le gel du corps électoral pour éviter de devenir minoritaires. Cette volonté couve un désir irrépressible d’indépendance.
La Nouvelle-Calédonie sort d’une semaine d’extrêmes violences. Du lundi 13 au mercredi 15 mai, des émeutes ont éclaté à Nouméa et ses environs, notamment dans les villes de Dumbéa et du Mont-Dore. Des centaines de jeunes kanaks ont affronté les forces de l’ordre et saccagé ou incendié tout sur leur passage. Commerces, entreprises, usines et stations-services n’ont pas été épargnés par la colère des manifestants. Officiellement on dénombre six morts, dont deux gendarmes, plusieurs dizaines de blessés et une centaine d’interpellations.
Les natifs de la Nouvelle-Calédonie représentent 41,2 % de la population
Depuis vendredi, le gouvernement tente de reprendre le contrôle de la situation avec des renforts de policiers et gendarmes venus de France. Mais les émeutiers kanaks sont résolus à continuer leur mouvement malgré l’appel au calme de leurs leaders. Les Kanaks, peuple autochtone de la Nouvelle-Calédonie, s’opposent à une réforme constitutionnelle élargissant le corps électoral aux Français résidants sur l’archipel depuis 10 ans. Ils voient dans ce texte une tentative de les rendre minoritaires sur le plan politique. En effet, la réforme permettrait d’intégrer de nouvelles personnes venues de métropole à la liste électorale. Or les natifs ne représentent que 41,2 % de la population estimée à 270.000 individus.
Depuis 1998, seuls votent les natifs et aux résidents de longue date
Sous la houlette du Front de libération kanak socialiste (FLNKS) et de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), la population manifeste pour le gel du corps électoral. C’est-à-dire pour la limitation du droit de vote, aux élections provinciales et référendums locaux, aux seuls natifs et résidents de longue date de la Nouvelle-Calédonie (ceux présents sur le sol avant 1998 et l’accord de Nouméa). Un gel du corps électoral permettrait de préserver l’équilibre entre la population autochtone kanake et les nouveaux venus de l’Hexagone.
L’avenir de la Nouvelle-Calédonie toujours en suspens
Pour sortir de l’impasse, le gouvernement français doit retirer son texte ou encourager l’adoption d’un accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Cet accord pourrait intervenir d’ici au 1er juillet 2024 et permettre de suspendre la révision constitutionnelle, prévue être approuvée par le Congrès à Versailles avant la fin juin. En 1988, c’est une mission de dialogue qui avait permis de mettre fin au conflit entre kanaks et Caldoches, les descendants des colons français.
Un conflit sanglant entre indépendantistes et Caldoches dans les années 1980
En 1988, des violences avaient opposé les indépendantistes kanaks aux Caldoches, avec les forces de l’ordre prises en sandwichs. Selon le bilan officiel, 19 autochtones et 2 militaires avaient été tués lors de ces événements tragiques. Le gouvernement avait obtenu la paix après des négociations ayant abouti à la signature des accords de Matignon sous l’égide du Premier ministre Michel Rocard. Ces accords ont permis un rééquilibrage économique et un partage du pouvoir politique.
Le « Non » l’emporte chaque fois aux référendums d’indépendance
Mais aujourd’hui, l’histoire semble se répéter et les Kanaks ont peur leur avenir. Ils craignent de vivre une recolonisation de leur terre, qui a pourtant un statut particulier. Ce statut unique dans la République française repose sur une autonomie progressive passant par des référendums. Trois ont déjà eu lieu (2018, 2020 et 2021) avec chaque fois la victoire du « Non ». Mais les indépendantistes campent sur leur position, surtout les jeunes, également frustrés par le chômage et les inégalités économiques.
La Nouvelle-Calédonie devenue territoire de la République française en 1946
Les Kanaks, qui seraient originaires des populations néolithiques du sud de la Chine, habiteraient la Nouvelle-Calédonie depuis au moins 1500 av. J.-C. Ce territoire est un ensemble d’îles et d’archipels de l’océan Pacifique. Sa superficie terrestre totale s’élève à 18 575,5 km2, avec pour île principale la Grande Terre. La Nouvelle-Calédonie a été conquise par la France en 1853, sur ordre de Napoléon III. Mais elle est devenue un territoire de la République française seulement en 1946, après plusieurs insurrections autochtones.