Confronté depuis lundi à des manifestations violentes contre une révision constitutionnelle en Nouvelle-Calédonie, Gérald Darmanin accuse l’Azerbaïdjan d’être à la manœuvre. Selon le ministre de l’Intérieur français, une partie des leaders indépendantistes calédoniens ont fait un deal avec Bakou. Romuald Pidjot, membre du bureau politique du front de libération kanak (FLNKS) demande au ministre de l’Intérieur de cesser de les infantiliser.
Depuis le lundi 13 mai, des émeutes ont lieu en Nouvelle-Calédonie contre une révision constitutionnelle qui élargit le corps électoral aux nouveaux résidents venus de France. La population autochtone canaque voit dans le texte contesté une manœuvre pour la rendre minoritaire au niveau politique. Très déterminés, les jeunes kanaks ont saccagé, pillé et incendiés plusieurs commerces cette semaine. On compte déjà 5 morts, dont 2 gendarmes, des centaines de blessés et des dizaines d’interpellations.
Gérald Darmanin convaincu que l’Azerbaïdjan est à la manœuvre en Nouvelle-Calédonie
Alors que le gouvernement essaie d’endiguer cette vague de violence à grands renforts de gendarmes et de policiers venus de France métropolitaine, Gérald Darmanin désigne un coupable à mille lieues de là : l’Azerbaïdjan. Selon le ministre de l’Intérieur français, c’est Bakou qui orchestre ce chaos en Nouvelle-Calédonie. « Ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité (…) », a assuré jeudi le premier policier français sur France 2. Aussi, il dit regretter « qu’une partie des leaders indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l’Azerbaïdjan », qui en veut à Paris pour son soutien à l’Arménie lors du récent conflit dans le Haut-Karabagh.
Des drapeaux azéris aperçus lors de manifestations en Nouvelle-Calédonie
Gérald Darmanin, qui voit également la main de la Russie et de la Chine derrière les violences en Nouvelle-Calédonie, repose ses accusations sur des faits réels. D’abord l’identification de drapeaux azéris et une banderole « Poutine, bienvenue en Kanaky », lors d’une manifestation indépendantiste à Nouméa, le 28 mars dernier. Ensuite, le voyage d’une élue indépendantiste en Azerbaïdjan pour signer un texte de coopération avec l’Assemblée nationale de ce pays, notamment en matière de culture et d’enseignement.
L’Azerbaïdjan soutient le mouvement de libération de la Nouvelle-Calédonie
En outre –et c’est le point de départ des accusations– l’Azerbaïdjan avait convié à Bakou, en juillet 2023, les indépendantistes des territoires français de Martinique, Guyane, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française pour parler de mouvements de libération et anticolonialistes français. De cette conférence était né le Groupe d’initiative de Bakou qui soutient actuellement les actions en Nouvelle-Calédonie au nom du droit des peuples à l’autodétermination.
Ce qui a mis le feu aux poudres c’est bien la réforme constitutionnelle et non Bakou
Romuald Pidjot, membre du bureau politique du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), évoque une fuite en avant de Gérald Darmanin et de son gouvernement qui pointent le doigt sur Bakou. L’exécutif français fuirait ses responsabilités dans la crise actuelle sur le Caillou. Le militant kanak rappelle que « ce qui a mis le feu aux poudres, c’est le passage en force de l’Etat », avec une réforme constitutionnelle votée malgré les contestations en cours depuis six mois. Donc inutile de vouloir trouver un bouc-émissaire à 1000 kilomètres de là. D’ailleurs, le combat calédonien est légitime.
Gérald Darmanin essaye de nous infantiliser
Selon Romuald Pidjot, ce n’est pas l’Azerbaïdjan qui dit au gouvernement de piétiner les droits des autochtones kanaks et de ne pas les écouter. Et puis, note-t-il, le problème calédonien existe depuis des décennies. Donc il s’agirait avant tout d’un problème local que Bakou exploite, comme le font d’ailleurs toutes les puissances mondiales. Les Etats Unis, la France et la Russie, notamment, ont pour habitude de tirer les ficelles lorsque survient une contestation dans un pays donné. Et parfois même ce sont eux qui créent des situations conflictuelles.
Une relation avec l’Azerbaïdjan dans le cadre du mouvement des non-alignés
Romuald Pidjot note à juste titre que « le peuple kanak a toujours combattu pour son indépendance », et que « des puissances étrangères [les] soutiennent, c’est le jeu du concert des nations ». Le militant nationaliste appelle donc le ministre de l’Intérieur à cesser e les « infantiliser » en disant qu’ils sont « soumis à des ingérences extérieures ». Il a également rappelé que la Nouvelle-Calédonie est un territoire autonome inscrit aux Nations unies dans le cadre des territoires à décoloniser. Et donc que sa situation actuelle constitue un sujet international. Ses relations avec l’Azerbaïdjan s’inscrivent d’ailleurs dans le cadre du mouvement des non-alignés, dont Bakou avait la présidence il y a deux ans.