Alors que l’été rime avec blockbusters, le réalisateur espagnol Víctor Iriarte nous propose dès ce mercredi un thriller sentimental intitulé « Dos Madres ». Ce long-métrage très réussi s’inspire d’un scandale d’état, celui des enfants volés du franquisme. Il suit les péripéties de Véra (Lola Dueñas), a la recherche de son fils, qu’on lui a arraché le jour de l’accouchement.
Ce mercredi 17 juillet, sort au cinéma, le long-métrage « Dos Madres » du réalisateur espagnol Víctor Iriarte. Ce thriller poétique s’inspire d’un scandale d’état, celui des enfants volés pendant et après la dictature franquiste. Il met en scène une longue période, de la fin des années 1930 jusqu’aux années 1980 pour mieux étaler la laideur d’une pratique politique face à l’abnégation et l’amour exceptionnels d’une mère qui n’a jamais abandonné l’idée de retrouver son fils, qu’on lui a arraché le jour de l’accouchement.
Plus de 300 000 bébés enlevés sous Franco et après lui
Petit rappel historique. Sous le régime franquiste, plus de 300 000 bébés ont été retirés à leurs mères pour les placer dans des familles acquises au régime. Pourquoi ? Le pouvoir voulait les éloigner de la prétendue mauvaise influence politique de leurs mères. Il craignait que celles-ci leur transmettent des « gènes du marxisme ». Cette idée cynique serait celle d’un psychiatre fou conseiller du général dictateur. À la mort de Franco, les enlèvements ont continué, avec la complicité des hôpitaux, des administrations et même de l’Église catholique.
Un documentaire sur ce fait paru en 2010
Ce scandale d’Etat a été très tardivement révélé, plus de vingt ans après la disparition du dictateur. En 2010, un documentaire, Les Enfants volés du franquisme, diffusé par la télévision espagnole exposait ce système d’enlèvements ignoble. Avec Dos Madres, Víctor Iriarte revient lui aussi sur cette sinistre affaire. Le réalisateur espagnol utilise une forme de délicatesse poétique pour mieux raconter cette histoire douloureuse. Il s’appuie aussi et surtout sur deux actrices célèbres du cinéma espagnol.
Dos Madres, l’histoire de trois victimes du franquisme
Il s’agit d’Ana Torrent (L’Esprit de la ruche, Cría Cuervos, Fermer les yeux, etc.) et Lola Dueñas, l’une des interprètes fétiches de Pedro Almodovar. Les deux comédiennes ont su jouer leur partition, au rythme de la musique, du mouvement et des silences du récit. Dos Madres raconte l’histoire de Véra (Lola Dueñas), une femme qui n’a jamais abandonné l’idée de retrouver son fils, Egoz (Manuel Egozkue), dont on l’a séparé pendant la dictature franquiste. Quelques années plus tard, le bébé est devenu jeune adulte et vit chez Cora (Ana Torrent), sa mère adoptive, elle aussi victime du système.
Dos Madres, véritable polar avec des enquêtes périlleuses et des opérations clandestines
Véra a tout essayé pour retrouver son petit, allant jusqu’à harceler les autorités. Mais son dossier a mystérieusement disparu des archives espagnoles. Et l’administration corrompue ne veut rien lui dire. Alors elle entre dans l’illégalité pour obtenir les informations qu’elle recherche. Véra mène notamment des enquêtes périlleuses, organise des opérations clandestines et des rendez-vous secrets. On plonge alors dans un polar. La guérillera urbaine solitaire finit par retrouver le garçon qu’elle cherchait et sa mère adoptive. Les trois essaient alors de panser les blessures du passé et remettre les choses à leur place.
Au-delà du besoin de justice, des questions existentielles dans Dos Madres
Avec ce film poignant d’ 1h 49 min, Víctor Iriarte rouvre les archives espagnoles pour parler d’un fait qui reste pratiquement tabou à ce jour. En Espagne, il est toujours difficile d’évoquer la guerre civile et la dictature franquiste. Tout se passe comme si les gens préfèrent occulter un pan de la mémoire collective. Après que le scandale des kidnappings d’enfants a éclaté, les autorités ont choisi l’amnistie générale. Or, dans les dictatures d’Amérique latine, où des faits similaires se sont produits, il y a eu des jugements et des condamnations. Mais, au-delà du besoin de mémoire et de justice, Víctor Iriarte analyse autre chose dans son œuvre cinématographique. Il questionne aussi la maternité, la filiation et l’identité.