Cinq ans après le révélateur de la crise du Covid-19, l’indépendance industrielle française peine à se matérialiser dans bien des domaines. Le contexte géopolitique mondial exige pourtant plus que jamais de renforcer son autonomie stratégique dans les secteurs essentiels.
Si le président Emmanuel Macron promettait d’emblée en mars 2020, alors en pleine pandémie de Covid, que « le jour d’après ne ressemblera pas aux jours d’avant » en matière industrielle, force est de constater que la France et par extension l’Europe, restent loin de pouvoir s’éviter une nouvelle situation des plus humiliantes.
À l’instar de celle qui a vu le pays constater notamment une pénurie criante en masques chirurgicaux – plus produits en France depuis 2008 à cause d’une industrie massivement délocalisée en Chine – et dans certains médicaments autrefois fleurons de l’industrie tricolore.
D’après un article récemment réalisé sur le sujet par Le Monde, le bilan d’étape n’est pas folichon. Certains projets emblématiques commencent bien à porter leurs fruits. Comme la production de 3 400 tonnes de paracétamol par an envisagée à Toulouse par le groupe Ipsophene pour cette année.
Une ambition freinée
La même molécule devrait également être commercialisée à raison de 15 000 tonnes annuelles par Seqens d’ici 2026 depuis son site isérois de Roussillon. Mais cette renaissance du paracétamol « made in France » masque des fragilités persistantes.
« On peut dire qu’un déclic a eu lieu, de très nombreux projets de réindustrialisation ont été lancés, mais la dynamique ralentit depuis plusieurs mois et il manque toujours une planification réelle des besoins industriels stratégiques pour le pays« , estime au Monde, Isabelle Pinto Carradine, directrice générale du cabinet de conseil spécialisé dans les achats et les chaînes d’approvisionnement Inverto.
En effet, les projets de relocalisation se heurtent à des obstacles concrets comme celui de la compétitivité. Ainsi, le paracétamol français sera 30% à 40% plus cher que son équivalent importé, et sa pérennité dépendra de la volonté des laboratoires pharmaceutiques de privilégier cette filière locale plus onéreuse.
Le contexte budgétaire contraint depuis 2024 a également ralenti le déploiement du plan France 2030, successeur de France Relance.
Un contexte très exigeant
Un rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, publié en février et cité par Le Monde, reconnaît certes des « premiers résultats positifs », mais juge les mesures prises « très insuffisantes pour protéger l’industrie et ses filières stratégiques du décrochage actuel ».
Plusieurs secteurs comme la sidérurgie, la chimie ou l’automobile traversent d’ailleurs de graves crises actuellement, avec des plans de licenciement tous azimuts. De quoi faire craindre un « abandon de la bataille des chaînes de valeur » au profit d’approvisionnements étrangers moins coûteux.
Ce qui serait une grave erreur le cas échéant. Car l’agenda de « l’Amérique d’abord » mis en branle par le nouveau président américain Donald Trump rend plus cruciale que jamais la sécurisation des approvisionnements stratégiques.