La polémique née de la comparaison par Jean-Michel Aphatie des agissements français en Algérie durant la colonisation aux atrocités nazies, remet au goût du jour l’aveuglement du pays dit des Lumières face aux parts d’ombre de son histoire, selon le Directeur de la rédaction de Jeune Afrique François Soudan.
« Vous savez, chaque année en France, on commémore ce qu’il s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. On en a fait des centaines nous en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience ? », se demandait le 25 février dernier, Jean-Michel Aphatie sur RTL, en référence à ce village français pratiquement réduit à néant par les forces armées allemandes durant la Seconde Guerre mondiale.
Une façon pour le journaliste de tendre à la France son propre miroir à l’heure où les relations entre Paris et Alger sont plus que jamais froides. « On les a massacrés et on ne l’a jamais reconnu », a poursuivi encore le chroniqueur ce jour-là, provoquant la stupéfaction sur le plateau.
« Jean-Michel, on n’a pas fait Oradour-sur-Glane en Algérie ! On s’est comporté comme des nazis en Algérie ? », lui rétorque alors Thomas Sotto, son coanimateur.
Une polémique nationale
« Les nazis n’existaient pas. On ne s’est pas comporté comme des nazis. Les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie. Combien de femmes, combien d’enfants, combien de villages ont été massacrés ? », répond Jean-Michel Aphatie.
La séquence largement diffusée sur les réseaux sociaux a depuis accouché d’une polémique nationale. Les uns appelant à interdire le journaliste d’antenne via l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
Les autres plus farouches, y ont simplement vu un crime de lèse-majesté de sa part. comment donc a-t-il pu lever le voile sur cette page sombre de l’histoire si immaculée de la France, le pays de Marianne, la patrie dite des droits de l’homme ?
Des « Oradour » au-delà de l’Algérie
La clameur populaire a beau avoir obtenu la tête de Jean-Michel Aphatie – il a démissionné de la RTL après une suspension d’une semaine –, la réalité est bien là : les faits d’armes de la France pendant la période coloniale n’ont rien à envier aux pires méthodes nazies.
Les historiens et autres livres d’histoire en attestent suffisamment pour peu que l’on soit assez curieux pour s’y intéresser. Dans un éditorial cinglant publié lundi 24 mars sur Jeune Afrique, le patron de la rédaction, François Soudan, en fait une liste non-exhaustive.
Du Sénégal au Niger en passant par le Madagascar, le Maroc ou encore le Cameroun, les victimes de l’expansion française se comptent par plusieurs dizaines de milliers.
« Toute une partie de la classe politique et médiatique française continue de camper avec agressivité dans le déni, bien aidée en cela par l’ignorance abyssale de la grande majorité des citoyens quant aux réalités de ce passé qui, tant que persistera cette méconnaissance, ne passera jamais », assure Soudan.