Le géant américain du streaming veut réduire son délai d’accès aux films français, alors que de nombreux acteurs se positionnent pour s’assurer une part du gâteau dans le septième art tricolore.
Netflix n’a pas perdu de temps. Deux mois après la fin de son accord sur la chronologie des médias (février 2025), le leader mondial du streaming a décidé de frapper fort en s’attaquant à ce dispositif de régulation des délais de diffusion des œuvres cinématographiques en France.
Ce cadre légal incluant différents supports, dont le cinéma, la télévision ou les plateformes de vidéo à la demande, est ainsi l’objet d’un recours devant le Conseil d’État depuis le 11 avril dernier, d’après une information dévoilée la veille par Le Figaro et depuis confirmée à travers plusieurs autres médias français.
À l’origine de cette plainte figure la volonté de Netflix de raccourcir de trois mois le délai de diffusion des œuvres cinématographiques françaises à ses abonnés, après leur sortie en salles. Soit de 15 actuellement à 12 mois.
« Il nous paraît légitime d’être à douze mois dans la chronologie des médias », souligne la firme californienne dans ce recours cité par Le Figaro, évoquant une demande constante depuis 2022.
Une inégalité de traitement qui cristallise les tensions
Le journal de droite indique à cet effet que Netflix n’a pas attendu la fin de l’accord actuel avant d’entamer une renégociation. En vain, car les discussions auraient abouti à « un cul-de-sac », selon les termes du quotidien.
Difficile de savoir les raisons de cette impasse, mais un récent événement semble avoir joué un rôle catalyseur dans l’escalade actuelle entre le géant du streaming au logo rouge et noir et les responsables du septième art français.
Il s’agit en l’occurrence, de l’obtention en janvier par Disney+, d’une réduction spectaculaire de son délai d’attente, passant de dix-sept à seulement neuf mois. De quoi en rajouter au sentiment d’injustice manifesté par Netflix. D’autant que la société cofondée par Reed Hastings se dit être « le premier financeur du cinéma français parmi les plateformes de streaming ».
Cette revendication est confirmée par les chiffres du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) consultés par Le Monde. Ils révèlent en effet que Netflix a investi dans 27 films d’initiative française en 2024, contre seulement 8 en 2022, représentant 81% des apports totaux des services de médias audiovisuels.
L’équilibre du financement du cinéma français en question
Cette contribution, qui s’élève à 61,5 millions d’euros annuels pour le cinéma (soit 4% de son chiffre d’affaires en France), dépasse largement celle de Disney+. La société détenue par Walt Disney s’engage à hauteur de 38 millions d’euros par an pour un accès plus rapide aux œuvres.
Parallèlement, Canal+ historiquement le « banquier » principal du secteur, a récemment renégocié à la baisse sa contribution financière – de 200 millions à 150-170 millions d’euros annuels – tout en conservant son privilège de diffusion six mois après la sortie en salle.
« Je comprends Netflix, qui a été incroyablement correct en respectant la règle. Même avec 4% de leur chiffre d’affaires, ils investissent plus que Disney dans le cinéma français« , commente Pascal Rogard, directeur général de la SACD, dans Le Monde.
De son côté, Stéphane Demoustier, coprésident du Bureau de liaison des organisations cinématographiques, justifie le blocage des négociations : « Nous considérons que le seul critère qui vaille est celui du pourcentage du chiffre d’affaires investi dans le cinéma. Or, Netflix veut rester à 4%, contrairement à Disney+« .